Le jour ou je me suis accrochee a une branche et laissee porter
Au petit dejeuner le lendemain de ce premier jour, j'ai rencontre Dom, un francais, voyageur solitaire mais plus que pour 24h, puisque des amis le rejoignaient le jour suivant. Je dois avouer ma faiblesse, a ce stade du voyage, je crois que j'aurais accepte la compagnie de n'importe qui plutot que d'affronter Rangoon un jour de plus en tete a tete. Dom fut ce "n'importe qui" mais fidele a mon honnetete habituelle je lui annoncais la couleur :
"Je peux rester avec toi s'il te plait ! Je veux pas etre seule aujourd'hui.''
Il accepta de bonne grace d'ailleurs, et dieu merci fut de compagnie agreable et nos conversations le furent aussi...
Je remarquais ce jour la, que les premieres questions que je pose aux gens que je ne connais pas sont rarement consensuelles, elles interrogent sur le relationnel, l'intime, la famille, jamais la profession, les sports pratiques ou les hobbies. J'imagine que je n'aime pas faire semblant, j'imagine que ca peut consterner. Dom ne s'en froissa pas. Il me parla de son role d'amant d'une femme mariee qu'il aimait passionnement et avec qui il vivait dans la clandestinite depuis plusieurs annees. Recemment elle avait enfin quitte le domicile conjugal et meme s'ils ne pouvaient encore vivre leur amour au grand jour, vivant dans une petite ville de province, ils reussissaient a passer ensemble autre chose que des instants voles.
Je repensais a Carl, je lui racontai, et tout en le faisant je realisais que cette histoire etait loin derriere moi. Je parlais aussi de Sasha avec qui j'avais rompu la veille de mon depart.
Finalement comme on le fait avant de partir en voyage quand on range sa maison, j'avais mis de l'ordre dans ma vie. J'adore Sasha, mais a force de me vautrer dans ce simulacre de relation amoureuse, j'avais realise que j'avais renonce a voler sans filer de securite. La rupture s'etait d'ailleurs derouleesans heurts, ni l'un ni l'autre n'essayant de sauver les meubles, le temps ferait son oeuvre et notre amitie y resisterait ou pas d'ailleurs.
Avec Dom, nous sommes restes tout l'apres-midi a trainer dans un parc qui s'etirait autour d'un lac. Sur l'eau tronait, majestueuse et ridicule a la fois, une sorte de navire etincelant dont chacune des extremites avant etait sculptee en forme de buste de dragon ou d'oiseau chimerique. C'etait tellement luxueux et kitch a la fois que c'en etait drole.
Nous n'eurent helas pas le loisir d'aller visiter l'interieur occupé par un restaurant loué ce jour la a l'occasion d'un mariage mais la journeepassa comme un souffle tranquille et apaisé. L'heure de mon depart pour Bagan approchait, plus qu'une petite nuit de sommeil avant de laisser Rangoon la gueuse derriere moi...
La journee s'acheva dans un restaurant elegant et savoureux du centre ville ou je fis connaissance avec des premices de gastronomie locale. L'heure des adieux arriva, l'idee d'echanger nos adresses n'effleura ni Dom, ni moi. Trop differents dans nos vies sans doute. Il est des rencontres ainsi faites, profondes et intimes mais ephemeres comme des papillons.