Le coup de poing

Publié le par Maxine

 

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Ce matin là comme depuis trois semaines, je flottais... J'avais le sentiment que rien ne pouvait m'affecter. Baptiste allait arriver de Toulon dans une semaine, je partais à la danse l'esprit léger.  Puis j'ai ouvert la boite aux lettres et je me suis pris un direct dans le plexus solaire.

 

C'est fou ce qu'un simple bout de papier avec des résultats d'examens peut changer la couleur de l'existence. Au début on lit regarde les chiffres sans trop comprendre et puis quand on fait le rapprochement entre ce qu'on devrait trouver et ce qu'on lit comme chiffres, tout s'écroule.

 

C'était un examen de routine, ce bilan hormonal, du moins le pensais-je. Je savais que j'ovulais, mes autres examens sanguins étaient ok et Yann avait des spérmatozoïdes super vaillants. Mais là devant cette feuille blanche aux chiffres sans appel, je constatai que ça allait être compliqué. Là où j'aurais du avoir entre 2 et 6,80 ng/ml de cette fameuse hormone anti müllerienne, j'en avais 0,60. Je suis remontée à la maison et j'ai commencé à faire des recherches sur le net. C'était confirmé, mes résultats étaient catastrophiques.

Je me suis sentie envahie par une angoisse tellement violente qu'il m'était impossible de calmer ma respiration. Pourquoi maintenant ? Pourquoi alors que tout semblait prendre sa place devais-je subir ça en plus ?

C'est drôle dans ces moments là, on n'est incohérent. J'appelais mon ami Clarisse en pleurs :

"Mais Jeanne, appelle ton gynéco ! Tu ne peux pas savoir. Oui tu vas peut être devoir faire une stimulation d'hormones mais tout n'est peut être pas fini."

 

Quand on est petite fille, on croit qu'il va juste vouloir faire un enfant pour en avoir un. plus tard, on se dit qu'il suffira d'aimer quelqu'un très fort pour que ça coule de source. Et puis ça ne vient pas, ou plutôt pas comme on voudrait. Ensuite on oublie un peu. On laisse le temps filer. Comme on voit qu'on n'emprunte pas le chemin classique, on choisit des biais alternatifs. Mais avant de savoir, jamais on imagine que ça ne sera pas une évidence de tomber enceinte...

 

C'est pourtant la boule au ventre que je me suis rendue chez le gynéco après avoir eu le commentaire laconique de la secrétaire au vu de mes résultats :

"En effet, ce n'est pas bon du tout..."

J'ai toujours aimé mon gynécologue avec son air de bon père de famille. Il me suit depuis 14 ans. Il explique bien, il fait des pré-analyses sur ses prélèvements, il a toujours les mots qui rassurent et une bonhomie fort appréciable. Mais là, il a plissé le nez sur mes résultats et ça n'augurait rien de bon.

" Bon je ne vais pas vous mentir, les résultats sont très mauvais. Dans l'état actuel des choses, votre projet de bébé est sérieusement compromis."

Moi: " Même avec un traitement hormonal ? "

Lui: " Malheureusement votre taux est très faible. Cela signifie que vous êtes en fin de réserve ovarienne. Ça ne veut pas dire que vous n'ovulez plus, ça veut dire que vos ovules ne sont plus féconds... Il vous reste deux options: Aller à Barcelone pour vous faire implanter l'ovocyte d'une donneuse fécondé par le sperme de votre ami..."

Moi : " Être en quelque sorte porteuse de l'ovule d'une autre quoi ?" Demandai-je les yeux déjà pleins de larmes.

" Après il faut savoir quelle est à vos yeux la définition d'un enfant. Ils choisissent des ovules provenant d'une femme ayant le même génotype que vous, vous savez..."

" C'est quoi la deuxième solution ? "

"Espérer un miracle. J'en ai eu dans ma carrière des femmes qui sont tombées enceintes alors que le diagnostique était quasiment sans appel. Elles pensaient que c'était la ménopause et puis..."

Là les larmes coulèrent franchement sur mes joues.

"Et puis il y a l'adoption bien sûr."

Bien sûr, sauf que le parcours du combattant d'une telle entreprise me parait au dessus de mes forces.

Lui : "Ce genre d'examen il est bien de le faire vers 35 ans..."

Moi : "Oui... Sauf qu'à 35 ans, j'étais persuadée de ne pas vouloir d'enfant. "

Lui : "A quel âge vous avez pris conscience de vouloir être mère ?"

Moi : "A 39 ans je pense... La dernière fois que je suis tombée amoureuse."

Lui "C'était probablement déjà très critique vous savez..."

 

Quand j'atterris sur le bitume ensoleillé après la consultation, je marchai comme une somnambule, les yeux embués, dépourvue de toute légèreté. J'essayai d'appeler Yann, pas de réponse, ma mère, en vain et enfin Clarisse qui se trouvait à Amsterdam et qui me promit de me rappeler le lendemain. Il faisait tellement beau et j'étais tellement dévastée.

Baptiste m'avait envoyé deux sms auxquels je ne répondais pas. Il savait que j'avais eu des résultats d'examen désastreux mais j'avais été évasive quant au propos. Il est lui même papa d'un petit garçon de six ans et demi dont il parle avec admiration et de tendresse. Je lui envoyai tout de même un message pour lui dire que j'étais incapable de lui parler pour l'instant et que j'avais eu la confirmation du caractère définitif du résultat de mes examens.

 

Comme chaque fois que je vais mal, je me suis engouffrée dans un cinéma pour tromper ma peine et durant deux heures j'ai oublié que ma vie était en train de prendre un tournant décisif dont je n'avais pas le plan.

 

En sortant j'ai pu joindre Yann en sanglotant, il était assez d'accord que le don d'ovocyte n'était pas envisageable mais il se montra apaisant. Il me rappela que son amitié était non négociable et qu'en plus, il ne comptait pas repartir à la chasse à la co-maman.

"Tu sais Jeanne, notre projet c'était une histoire de rencontre. Elle aboutit à un échec mais ça n'annule pas notre parcours, ni ce que nous allons vivre par la suite..."

Ma mère se montra assez triste ce qui, comme par esprit de contradiction, me rendit quelques forces. Puis je rentrai chez moi.

 

C'est Marla qui m'apporta ce soir là le réconfort nécessaire pour apercevoir une petite lumière au bout du tunnel. Marla est maman de deux fillettes. Elle alterne toujours entre projets de documentaires passionnants et grosse fatigue émotionnelle. Elle me parla de sa voix douce, si douce :

" C'est affreux ma chérie et je comprends ce chagrin qui te ronge. Essaie de te focaliser sur ce que cette liberté forcée va t'offrir. Recentre toi sur ce qui fait de toi ce que tu es, et ce que tu deviendras. Les voyages, l'écriture..."

"Mais Marla, j'ai le sentiment que je ne vais jamais vivre pour quelqu'un d'autre que moi-même... Que finalement je ne serai jamais une adulte à part entière..."

"ça c'est toi qui le décideras, ce sont tes choix de vie qui feront de toi une adulte. Tu n'as pas besoin d'être mère pour ça..."

 

Un peu plus tard dans la soirée, j'appelai Baptiste.

"Comment vas-tu ?"

"Je suis un peu sonnée, mais ça va mieux je crois..."

"Tu veux m'en parler maintenant ? "

"Non... J'ai juste envie que tu me fasses rire..."

"Je vais essayer..."

 

Et comme à chaque fois, il réussit.


Publié dans aventure maternelle

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F
<br /> Je viens de terminer de lire ton blog, toutes les pages, ça m'a pris deux jours entiers ^^<br /> <br /> <br /> Et forcément du coup le dernier billet m'a fait mal pour toi. Toute cette attente, pour en arriver là, c'est profondément injuste. Et je suis sensible aux histoires d'envie de maternité en<br /> générale (rapport à un évènement tragique de ma propre vie qui ne m'a pas laissée indemne mais comme ça sera le sujet d'un prochain billet sur mon blog je me tais sur le sujet).<br /> <br /> <br /> C'est en lisant des blogs comme le tien que j'ai eu envie de tenter cette expérience, celle de tenir une sorte de journal intime sur internet. Tu écris bien, j'aime la façon dont tes sentiments<br /> transparaissent dans ton écriture.<br /> <br /> <br /> Je continuerai à suivre tes histoires avec beaucoup de soin. Et puis nous avons au moins un point commun, nous ne sortons jamais sans notre i-pod sur les oreilles, j'ai beaucoup ri en te lisant<br /> sur le sujet, je venais d'écrire à peu près la même chose à quelques mots près sur mon propre blog ^^<br /> <br /> <br /> Courage à toi.<br />
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M
<br /> <br /> Merci Jessy, c'est gentil de me laisser un joli commentaire comme le tien. Je passerai lire ton blog, pour l'instant c'est vrai que je suis un peu repliée sur moi même. En attendant des jours<br /> meilleurs, je te fais des bises.<br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> pfffouuuu j'ai les larmes aux yeux. Je ne sais pas quelle est la suite de tes articles, mais je suis bien triste d'apprendre ça....<br />
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M
<br /> <br /> Merci pour ton empathie ma jolie... La route sera longue pour accepter cette nouvelle. Je t'embrasse.<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Je suis a 4h de Barcelone et a une heure de Valencia (je sais qu'il y a un tres bon centre las-bas), si ton cheminement te mene ici, ma maison est la tienne (mais ca tu le sais, je te l'avais<br /> deja proposee). Je n'ai pas de mot et pas tres douee pour faire rire dans ce contexte mais je pense tres fort a toi.<br /> <br /> <br />  <br />
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M
<br /> <br /> Je sais bien que ton invitation n'a jamais été une parole en l'air et je me suis promis de venir te voir un jour. Personne n'est doué dans ces cas là. Bisous ma belle.<br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> Pfiou ... en effet, coup de poing !!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Tendres pensées<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ed<br />
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I
<br /> Comme tu le sais sans doute, je ne veux pas d'enfants (ce qui ne veut pas dire que l'envie ne se manifestera pas dans les 10 prochaines années). Cela ne fait pas de moi une femme sans coeur,<br /> égoïste. Mais ça m'a fait un pincement de lire cette triste nouvelle quant on connait ta motivation, ton combat, ton désir de devenir mère...<br />
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M
<br /> <br /> Je ne dis pas cela, je dis juste que c'est difficile d'avoir le sentiment parfois de ne vivre que pour soi même... Oui c'est triste et j'en prends ce soir toute la mesure.<br /> <br /> <br /> <br />