Le truc en plus...
Je suis heureuse de voir Yann ce jour là, peut être parce que c'est mon anniversaire, et que la symbolique est belle. En plus moi qui suis habituée à subir des anniversaires pluvieux voire neigeux, cette année je suis gâtée. Nous nous retrouvons dans le petit restaurant italien où nous avons déjeuné la première fois.
J'arrive un peu en retard, il est dehors en train de passer un coup de fil. Comme il fait froid, je le laisse finir et m'assois à l'intérieur. Je souris en le voyant en train d'essayer de redresser la grille bancale autour d'un arbre.
"Je viens de griller ton côté maniaque..." lui dis-je quand il me rejoint, il se défend en riant.
Je ne tourne pas autour du pot. Je lui parle du ressenti que j'ai eu concernant Fabien et cette impression étrange qu'il cherchait à se mettre au second plan, comme s'il n'avait pas sa place dans ce projet.
" C'est bien que tu me parles de ça, j'avais justement envie de t'en parler aussi. "
Là Yann me raconte l'histoire de Fabien, enfant mal aimé, qui encore aujourd'hui passe son temps à douter de tout, de lui surtout et ne comprend pas toujours comment il peut être digne d'amour (celui de Yann surtout). Ensuite il m'explique que malgré son homosexualité, Fabien est resté très traditionnel et qu'il s'imagine que lorsque cet enfant arrivera, Yann et moi nous installerons ensemble pour l'élever en dépit de ce que ce dernier peut lui dire pour le rassurer. Je réalise que finalement c'est le gamin qui souffre en Fabien qui a peur de l'arrivée d'un autre enfant, qui prendrait sa place en quelque sorte. Car finalement durant toutes ces années, Yann l'a répare, encouragé, sorti en partie de cette piètre image de lui. Je risque :
" C'est assez logique puisque tu lu as donné ce que des parents normaux auraient du lui apporter..."
"C'est un peu ça oui, j'ai essayé de le rendre autonome et confiant. Tu sais il a parcouru beaucoup de chemin depuis que je le connais. Je lui demande beaucoup aussi... "
Le schéma n'est pas simple et bizarrement le fait que nous en parlions à coeur ouvert, que les choses soient dites en toute transparence ne m'effraie pas. Je repense à François qui ne montrait de lui aucune faille, qui ne reconnaissait aucune faiblesse, couple parfait dans son appartement somptueux, rien n'était jamais de sa faute, c'était toujours moi "qui mettais trop d'affect", moi "qui avais des rapports troubles avec ma mère", moi "qui étais trop pressée"... Lui il était "archi-prêt", n'avait aucun doute sur la bienveillance de Fred au sujet du bébé et ne voulait que rien vienne déranger l'ordre des choses...
Le fait que Yann ouvre ses placards me rassure au lieu de me donner envie de fuir, j'ai le sentiment enfin d'être face à des personnes réelles, palpables, imparfaites donc humaines. J'en éprouve que plus de tendresse pour eux, je comprends la peur de Fabien, je comprends l'attachement de Yann. Bien sûr, je sais aussi que ce n'est pas vraiment à moi de gérer ce "noeud à démêler" mais savoir que ce que j'ai ressenti n'est pas le fruit de mon imagination m'apaise : j'ai l'impression d'avoir les outils nécessaires pour entendre, comprendre et communiquer avec eux, autant l'un que l'autre.
Chaque moment passé en leur compagnie me donne l'impression de voir un peu plus clair... Et êre en terrain connu n'a pas de prix.