L'homme du présent...

Publié le par Maxine

 

 

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Paul m'appelle finalement lundi pour avancer notre rencontre. Ce jour là je dois jongler avec trois rendez-vous pris en dépit du bon sens puisqu'il y a deux heures de battement entre chacun d'entre eux, trop court pour rentrer à la maison ou se faire une toile, trop long pour les enchaîner.

Nous décidons donc de nous voir pour déjeuner, ça nous laisse une heure et demie devant nous, c'est déjà pas si mal. J'avoue que je suis tendue quand j'arrive à la brasserie où nous avons rendez-vous et pour couronner mon anxiété Paul est en retard de dix minutes... C'est pas grand chose après cinq ans d'absence mais sur une heure et demie, ça prend tout de suite une autre importance.

Quand il finit par montrer le bout de son nez, je viens juste de lui envoyer un "t'es où ?" par sms, et mon imbécile de mobile tactile a pris l'initiative de lui en envoyer six autres, vides... Ça plante l'ambiance.

Qu'est-ce que je suis tendue, bordel !

Paul n'a pas changé, c'est d'ailleurs la première chose que je lui dis, et je trouve ça affreusement clichée comme entrée en matière. Il me fait remarquer que cinq ans ce n'est pas vingt, et qu'il a quand même dû prendre quinze kilos. Ça se voit à peine. Je remarque surtout ses beaux yeux, j'avoue, je les avais oubliés. Je crois que rarement dans ma vie de femme je n'ai vu d'yeux aussi doux, je pense que ce regard a eu raison de moi à l'époque. Et sa voix aussi, pas de celles, graves et sensuelles qui retournent les sens, mais plutôt de celles qui enveloppent, apaisent, rassurent. Je suis toutefois toujours aussi tendue, j'arrive à peine à sourire.

Nous parlons assez vite des épreuves qu'ils ont rencontrés lui et sa compagne pour faire un enfant. Sa bataille actuelle pour sauver son couple. J'avoue, ça me glace les sangs cette énumération de visites de gynécos en services hospitaliers. Malgré tout Paul conserve cet humour qui le caractérise et son récit ne sombre jamais dans la jérémiade. Le silence s'invite quelques secondes, je le chasse :

" Pourquoi tu voulais me revoir Paul ? "

La question sort de ma bouche un peu sèchement et Paul en semble surpris.

" Je veux dire, c'est vrai, je n'aurais jamais cru que nous nous reverrions un jour. Tes derniers messages étaient sans appel. J'étais celle qui t'avait le plus fait de mal et tu n'imaginais pas une seconde que nous puissions être amis un jour..."

" Les gens changent Jeanne... L'autre jour je me baladais et ton numéro m'est revenu en mémoire, alors j'ai tenté ma chance. Mais pourquoi penses-tu que je voulais te revoir ?"

" Finir de faire tes griffes sur moi, finir de régler tes comptes... Je sais pas moi. J'étais ravie d'avoir de tes nouvelles et puis après, j'ai eu un eu peur."

Il rit.

" Non, je voulais vraiment savoir ce que tu devenais..."

 

Après ça, c'est bizarre mais je sens ma colonne vertébrale se relâcher enfin, ma langue recommencer à s'hydrater et tout redevient simple.

Je n'ai plus un juge en face de moi, mais un être bienveillant et je peux lâcher du leste...

Il me parle de la biographie qu'il écrit sur un compositeur américain du vingtième siècle et je retrouve sa façon passionnante de raconter les histoires. Je lui parle de mon roman qui stagne à la page 50, il en trouve le sujet très ambitieux, je lui parle de Carl, de François et Fred, du projet de bébé, bref, je lui parle de tout et il reçoit ma vie avec grâce et attention. Je me sens à la maison, toutes mes armes sont tombées à présent.

Le moment est beau mais trop court, il a un goût de "reviens-y".

Quand nous nous quittons, je crains déjà de le perdre à nouveau pour toujours. " Mais non, ça ne se peut pas !" resonne une petite voix au fond de moi.

 

J'emmène cet intermède heureux avec moi chez B.L. (mon psy, pour mémoire )

 

" Sans cette partie animale qui pousse physiquement quelqu'un dans les bras de quelqu'un d'autre, je serais probablement encore avec Paul aujourd'hui..."

" Oui mais aujourd'hui, vous avez la chance de reconstruire cette histoire sur le mode que vous n'auriez jamais dû quitter, celui de l'amitié..."

" Hmmm... J'aurais quand même toujours le regret de ne pas l'avoir aimé à sa juste valeur..."

" L'aimer comme un ami, c'est déjà magnifique."

 

Et là, je repense à Carl.

Serai-je un jour capable de trouver magnifique de l'aimer à nouveau en tant qu'ami ?

Publié dans Mes amis...

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I
<br /> <br /> C'est joliment bien écrit. Tu sais, j'ai détesté un homme qui a cassé mon couple. Presque de la haine et 5 ans plus tard, nous sommes de grands amis... Les gens changent comme Paul l'a dit. Et<br /> parfois, ça fait du bien de reprendre des nouvelles d'une personne qui a compté en mal comme en bien. Ca peut mener à une chouette amitié ;)<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Je me le souhaite de tout mon coeur... C'est un type exceptionnel !<br /> <br /> <br /> <br />