Et le mois d'Aout s'étire comme un élastique

Publié le par Maxine

 


 

 

Depuis le départ de Carl, je traîne un peu ma carcasse comme une âme en peine, ne supportant plus la couleur même des murs de mon bureau, les gens, n'en parlons pas... envie de les mordre.

Le silence est le mot d'ordre entre Carl et moi et pourtant sa voix me hante, ses mots surtout...

Je vois Sasha bien sûr, mais Sasha, il est doux et aussi efficace qu'une pastille au miel, il soulage la douleur sur le moment mais les symptômes restent là.

 

"Here comes the time
For my heart to heal the past"(1)

 

Le mail de Gilles me sort de cette torpeur existentielle : il me remercie encore pour les fleurs rouges et blanches, il s'excuse de ne pas m'avoir contactée avant, je retrouve ce naturel si cher à mes yeux, qui existait avant, qui existe toujours mais qui est terni par le sentiment négatif que je ressens à l'égard de Thomas. Avec Gilles tout est tellement simple, j'ai l'impression que quoiqu'il dise, il ne pourra pas me blesser et moi non plus. Alors je lui écris, un long mail qui parle de mon atermoiement concernant son "autre", de la crainte de ne pouvoir supporter son côté autoritaire et rationnel. Il m'assure que Thomas, échaudé par les précédentes candidates à qui il a ouvert les bras et le coeur et qui l'ont profondément déçu a pris quelques distances avec moi mais que le temps fera son oeuvre et qu'à force de me côtoyer, il finira par retrouver son naturel, et m'apprécier comme lui. Pourquoi mes antennes se mettent en branle à la lecture de ces mots, est-ce que j'ai appris à faire tellement confiance à ma première impression que je suis devenue intraitable ?

 

La suite de son mail de réponse me faire part d'une autre inquiétude, bien personnelle cette fois. Gilles craint l'influence que mon thérapeute a sur moi, l'accusant de vues trop conventionnelles, collées à une réalité qui n'est pas celle de notre projet et d'être la source de conflits possibles entre nous. Il illustre mes propos en parlant de son influence sur mon désir d'allaitement, sur ma peur de lui confier au plus tôt notre nouveau-né; notre futur-né. J'entends tout cela avec une certaine sérénité qui m'échappe d'ailleurs...

Je réponds simplement que ses propos méritent un vrai dialogue et que je me tiens à sa disposition pour en parler. Malheureusement j'apprends quelques jours après que sa maman a rechuté et qu'elle doit se faire opérer de sa tumeur au cerveau. La patience sera donc mon lot en ce mois d'août qui s'étire comme un élastique.

 

C'est drôle comme l'impatience me déserte ces derniers temps, serait-elle, elle aussi partie au soleil reprendre des forces, elle qui me tenaille d'habitude jour et nuit ?

Mentalement je réponds à Gilles tous les jours, j'arrondis les angles, je trouve que ses inquiétudes sont légitimes, si j'ai neuf mois d'avance sur lui, il est recevable qu'il veuille rattraper son retard après tout. Je ne veux pas être une mère louve pour mon enfant mais enfin, je pense qu'il faut y aller tout doucement, que les choses soient progressives pour ce petit être que je ne connais pas, que je ne porte même pas encore !  L'absurdité de l'aventure c'est de l'écrire si tôt, même si  je sais que c'est nécessaire. Quand l'amour porte un couple qui fait un enfant, on trouve toujours des terrains d'entente, on est plus flexible, on écrit l'histoire une fois le projet dans la boite.

Malgré tout le fait d'avancer jour après jour, de dessiner un peu plus les détails après avoir défini les grands traits, c'est réjouissant, même si je me plante, même si je me trompe, c'est l'élaboration de l'oeuvre qui en fait toute sa valeur...

Peut-être suis-je aussi calme parce qu'au fond de moi, même si j'ai une tendresse toute particulière pour Gilles et qu'il m'importe d'apporter aussi des réponses à ses questions, je sais que tout ça n'est qu'une répétition... juste le prologue de ce qui va se passer avec LA bonne personne. Je la trouverai et rien ne sert de m'enerver.

 

Patiemment j'attends que l'image de Carl m'abandonne enfin, que ses murmures cessent de chanter à mes oreilles comme une mélopée, comme autant d'appels à la transgression de mes interdits. Alors j'écrase le souvenir en écoutant en boucle l'album de Hindi Zahra, une marocaine qui chante en anglais divinement bien. Sauf que ce soir en buvant un verre avec un ami, je la vois passer devant moi, surgie de nulle part comme si elle était sortie de mon Ipod pour disparaître au coin de la rue. J'essaie de m'expliquer ce signe, j'ai même envie de la rattraper sur ce trottoir de la rue Oberkampf pour lui dire que ces mots qu'elle murmure à mon oreille me font du bien, qu'ils effacent peu à peu une autre mélopée, mais à quoi bon ?

 

"All this passion will fade away this time
All this passion will fade away one time"(2)


 

(1) Don't Forget Me de Hindi Zahra

(2) Fascination de Hindi Zahra

 

 

Publié dans Humeur

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