Allons voir ailleurs si j'y suis...
Y a quelqu'un là dedans ?
Oui, une flopée d'hormones qui chahutent ma raison et qui me collent mal au crâne...
Je ne me reconnais plus. La vraie Jeanne aurait-elle quitté son corps pour de bon, son cerveau aussi, ne laissant derrière elle qu'un petit mot griffonné genre ? :
Je me casse, ça pue ici !
Non, sérieusement... Je ne vais pas me laisser emporter par ce désir d'enfanter qui a pris un temps, le pas sur tout le reste. C'est bien mal me connaître.
Le truc, c'est qu'après un échec comme celui que je viens de vivre, on n'a surtout pas envie de s'avouer vaincu, de se poser pour faire l'analyse de la situation. On voudrait courir les bras ouverts comme un gosse et attraper le vent en souriant. Sauf que lorsqu' on a quarante ans, on sait que le vent ne s'attrape pas et que courir les bras ouverts ça donne un air de débile léger, surtout par -3° à Paris.
Alors la seule chose à faire c'est de ramasser les bouts de soi qu'on a laissé tomber au passage, voir s'ils sont récupérables et en fabriquer de nouveaux et pour cela, pas de doute il faut se forcer un peu au départ. Se forcer à sortir, se forcer à aller vers de nouvelles têtes même si à priori, on est bien content avec ce qu'on a déjà. Se faire violence pour ne pas ressembler à un vieux chiffon mou qui regarde en boucle des séries en streaming pour tuer le temps. Remonter sur ces machines équivalant aux roues des hamsters mais pour le genre humain, celles qu'on trouve dans les salles de fitness et puis suer sang et eau pour que la fatigue du corps prenne le dessus sur l'activité stérile du cerveau.
Et puis partir... pas pour fuir non, mais pour se mettre en danger. Partir seule alors que je suis verte de trouille à l'idée d'appréhender l'inconnu sans filet, de me confronter aux regards surpris parfois apitoyés de certains lorsqu'ils réaliseront que je voyage seule :
-Mais vous n'avez trouvé personne pour vous accompagner ? Vous n'êtes pas mariée ?
-Non mais je voyage seule par choix vous savez...
Regards incrédules, incompréhension inévitable de l'orient et de l'occident. Incompréhension tout court de ceux qui ne comprennent pas que je préfère partir seule que d'attendre la bonne personne pour voyager. Les mêmes qui ne comprennent pas qu'une fille comme moi préfère vivre seule qu'avec un type qui ne lui convient pas.
Même si parfois elle en crève de ce manque d'amour, faut pas se leurrer.
J'évalue la crainte de n'avoir personne à mes côtés pour lui dire : " Y a une araignée grosse comme ma main dans les toilettes, je crois que je vais me retenir de pisser pendant 24 heures parce qu'elle a vraiment l'air de trouver l'endroit à son goût ".
Mais aussi de n'avoir que le silence pour accompagner mes grands moments extatiques devant tant de beauté.
Et pourtant je sais que je vais sortir grandie de ce voyage à l'autre bout du monde, de ce Myanmar sulfureux d'abord dont je ne connais que les bouddhas de marbre blancs et un peu d'histoire. De de la Thaïlande ensuite qui saura me réconforter, d'abord parce que je la connais un peu, ensuite parce qu'elle offre la possibilité de s'isoler ou de rencontrer selon l'humeur et le moment.
J'ai trié tous mes papiers avant de partir, je vais trier toutes mes pensées et mes options quand je serai là bas, mais d'ici là je m'autorise à vivre chacune de ces journées comme si c'était la dernière, sans projet et sans grande décision. Jeanne, reviens, ça ne pue pas tant que ça par ici...
(PS: Merci à Flavia qui m'a inspiré ce titre.)