Voyage immobile
Jour après jour je retrouve mobilité, humour et confiance en moi... Marcher à nouveau comme une femme et non comme une croulante a été un véritable soulagement, surtout que lorsque les premiers jours je me suis déplacée sans attelle, je me sentais finalement plus vulnérable que libérée. J'avais toujours l'impression qu'un abruti allait me shooter dans le genou, que les escaliers étaient une piste de noire de ski, bref chaque sortie était pour moi comme une aventure de laquelle je rentrais épuisée. J'avais en plus l'intime sentiment que plus jamais mes jambes ne me permettraient de courir, ne serait-ce qu'après un bus. Et puis un jour, dix exactement après ma visite à l'hôpital j'ai rencontré un magicien.
Quand je suis entrée dans sa salle d'attente, j'ai eu l'impression de quitter le monde du réel et d'atterrir directement dans une nouvelle de Lewis Caroll. La salle avait déjà des proportions indécentes, la taille de mon deux pièces à vue de nez, soit un bon 30m2. Je me suis assise sans bruit, bouche bée, scrutant chaque détail de la pièce, le parquet bleu, les murs chocolat, la hauteur vertigineuse du plafond et tout particulièrement une sculpture incrustée dans le mur faite de lucarnes, de serrures, de poignées de portes le tout éclairé ici et là par de petites ampoules. J'ai à peine eu le temps de piocher un livre sur la table basse tant l'endroit avait monopolisé mon attention toute entière.
Le type m'avait été conseillé par un ami, mais je n'avais aucune idée de la tête qu'il pouvait avoir. J'adore imaginer l'age des gens en fonction de leur prénom, je me trompe rarement... Lui s'appelait Pascal, je l'imaginais avoir entre 45 et 50 ans. Bingo, quand il est sorti de sa salle de consultation pour raccompagner son patient j'ai vu que je ne m'etais pas trompée mais si la salle d'attente m'avait laissée sans voix, la pièce où je l'ai suivi m'a éblouie.
Au plafond il y avait de vieilles portes, des abats-jour et des fenêtres anciennes reliés au plafond par des câbles donnant une impression de rêve, d'apesanteur.
J'ai connu beaucoup d'ostéopathes, ceux qui font craquer, ceux qui font circuler les fluides énergétiques, ceux qui font participer, les hésitants, les sûrs d'eux mais personne comme lui.
Personnellement j'ai beaucoup de mal avec ceux qui ne manipulent pas, l'ostéopathie bio-dynamique comment ils l'appellent, j'ai l'impression d'avoir à faire à des charlatans qui manipulent plus psychologiquement qu'ils ne te soignent. Et puis force m'a été de constater qu'avec celui-là ce fut... magique. J'ai eu l'impression de traverser une trance où chaque point douloureux me quittait doucement, ma hanche d'abord, mon estomac et enfin mon genou.
En sortant du cabinet de curiosités où je venais de passer une heure entre rêve et lévitation il faisait beau et j'ai eu pour la première fois depuis mon accident la sensation d'avoir récupéré mon corps en état de marche... Plus encore, je continuais à flotter en foulant le pavé.