L'insoutenable fragilité des liens

Publié le par Maxine

 

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Je me souviens d'une phrase que m'avait dite mon amie Malika il y a quelques années :

"Toi Jeanne, tu es une héroïne des temps modernes !" Je trouvais ça romantique comme définition et plutôt flatteur.

 

Mais en regardant mes sacs de courses et le cadeau que j'ai acheté à Carl en prévision de la première soirée que nous devions passer ensemble et que je vais finalement passer toute seule, je me dis que je n'ai rien d'héroïque et heureusement qu'une âme charitable a inventé le mascara waterproof parce que sinon, j'aurais en plus l'air d'une pauvre fille.

 

Et pourtant que puis-je reprocher à Carl ?

Il avait très peu dormi la nuit précédente, tournant et se retournant dans la couche conjugale, maudissant le caractère adultère de notre relation qui le forçait à mentir à sa femme pour partager quelques heures avec moi...

 

Quelques jours auparavant, il m'avait dit les yeux pleins d'une euphorie enfantine :

" C'est tellement intense ce que je vis avec toi que je voudrais le partager avec mes filles, avec ma femme même ! J'ai envie de le dire à tous les gens que j'aime"

et je comprenais tellement ce qu'il voulait dire...

Carl est un être transparent qui ne sait pas mentir aux siens sans s'emmêler les pinceaux, j'imaginais qu'un jour ou l'autre sa femme percerait notre secret et je redoutais ce moment en dépit de mon désir d'avoir Carl pour moi seule...

 

Quand je le quitte après avoir terminé ma journée qui s'achève une heure avant la sienne, il me fait toucher son front brûlant :

" Je ne sais pas ce qui m'arrive, je me sens très fiévreux..."

Aveuglée par la promesse de nos retrouvailles, je ris :

" T'es chiant, tu pourrais trouver autre chose si tu as changé d'avis pour ce soir..."

et je pars le coeur léger acheter quelques victuailles et élixirs pour que la soirée soit parfaite.

 

Quand finalement il appelle pour me dire qu'il ne viendra pas, qu'il se sent vidé de toute son energie, c'est mon égo qui parle en premier. Je me sens humiliée, avec ces relents de peur d'abandon provenant de l'enfance, et alors qu'il me propose déjà une autre date, je me ferme comme un huitre, froide, bornée, dénuée d'empathie.

 

Dans un deuxième temps, ce qui m'arrive en plein visage ce sont les prémices de ce qui m'attend si je continue dans cette voie :  l'angine de la petite dernière qui l'empêchera de me rejoindre, mon anniversaire qu'il ne passera pas avec moi, le sien qu'il fêtera avec ses proches, le coup de fil que j'attendrai en vain et qui m'ôtera même le goût de sortir retrouver mes amis tant je serai affectée. Quand je retrouve ma voix, je lui dis que je me sens conne... Sur le moment, il ne comprend pas, il croit que je remets en doute la véracité de son état, il se braque, il est dur, méconnaissable.

Je dois lui expliquer que je le crois même si je pense qu'il somatise à l'idée de "trahir", que ce n'est pas dans sa nature et que c'est son corps qui lui fait payer.

Mais je lui dis aussi qu'il faut arrêter, que les premiers dommages collatéraux sont insupportables, que la petite bulle qu'il m'a réservée ne sera jamais assez grande à la vitesse où mes sentiments grandissent, que je me sens rabougrie, engoncée, à l'étroit dans cet espace exigu qu'il peut seulement m'offrir , qu'en connaissant mon histoire passée et s'il a  les sentiments qu'il dit me porter il ne peut me souhaiter un amour comme celui-là.

Il acquiesce, il comprend, il s'excuse...

 

Quand il racroche, j'ai envie d'une seule chose, manger tout ce qu'il y a dans mes sacs de courses les bougies comprises, pour remplir le trou béant que me laisse le silence...

Et c'est là que je sais que j'ai grandi parce que je range consciensieusement le tout dans mon frigo, bien alligné, je sors mon vernis rouge et je me fais les ongles....

 

Le soir où il est rentré de vacances, Carl m'avait dit une chose assez jolie concernant la première fois où nous nous étions embrassés. Il disait que c'était comme un secret écrit sur un bout de papier, que l'on met en boule et que l'on enterre au pied d'un arbre. Ce soir, c'est ce que j'ai fait de notre histoire, je l'ai écrite et je vais l'enterrer, pas au pied d'un arbre mais quelque part dans les limbes de mon cerveau...

 

C'est peut-être ça mon caractère héroïque : Savoir partir avant que ça ne devienne trop laid....

 

 

 

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Publié dans Mes amours...

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T
<br /> <br /> Quel courage !<br /> <br /> <br /> Je t'admire pour cette réaction. Bravo. Ce n'est pas toujours évident de mettre ses sentiments de côté.<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Héroïque, quand je dis "héroïque" ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> <br /> Je trouve que tu as raconté ton histoire avec Carl très joliment, c'est très touchant...ça me rappelle tellement mes histoires que ça me fait un peu mal au coeur aussi..bravo pour cet article<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Ca me fait encore un peu mal au coeur aussi... Mais je préfère lui avoir laissé la possibilité de rester l'homme bien dont j'étais amoureuse que de se transformer en lâche, parce qu'un jour ou<br /> l'autre, ce serait arrivé...<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> le moment de venir "célébrer" ton héroïsme dans mon nouveau jardin<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> je t'embrasse<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> J'espère pouvoir te rejoindre un fin d'après midi ma belle.... oui célébrons, célébrons !<br /> <br /> <br /> <br />