La famille qu'on choisit

Publié le par Maxine

 

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J'ai une histoire de famille compliquée...

Bien sûr la famille ce n'est jamais simple mais là, même moi je m'y perds.

Quand ma mère a épousé mon père biologique, il avait deux fils d'un premier et malheureux mariage. De ces deux frères, je n'en ai connu qu'un, le cadet, Hugo. L'ainé, Baptiste, a contracté une maladie bactérienne très grave qui l'a rendu simplet. Il a vécu longtemps dans une institution privée spécialisée et s'est éteint à l'âge de 43 ans sans que je ne l'aie jamais rencontré.  Hugo a 13 ans de plus que moi.

Quand j'étais petite, il vivait avec nous, car sa mère l'avait abandonné à la DDASS tout en continuant à toucher la pension que lui versait mon père. Ma grand-mère s'en étant rendu compte, elle l'avait récupéré.

Mon père est mort quand je venais d'avoir 2 ans d'un infarctus foudroyant qui l'a emporté à l'âge de 39 ans. Autant dire que je n'ai aucun souvenir de lui. La mère d'Hugo a joué le rôle de la femme repentie pour reprendre son fils, et il est parti vivre avec elle, pour son plus grand malheur.

Dieu merci, il a plus tard épousé une femme fantastique, une danoise, qui a su réparer ses blessures d'enfant, et vit avec elle depuis plus de trente ans au Danemark et a eu deux filles.

J'aime Hugo, comme on peut aimer un homme qu'on ne connait pas vraiment mais qu'on admire pour son parcours et ses qualités humaines.

 

Quelques temps après la mort de mon père, ma mère a rencontré mon beau père, un homme divorcé qui avait déjà un fils de 7 ans mon ainé, Marc. Il ne voyait que pendant les vacances scolaires puisque nous vivions à Paris et Marc dans le Finistère . Quand j'ai eu 11 ans, mon beau père et ma mère se sont mariés et lui, m'a adoptée. Je devenais par ce processus la demie soeur de Marc. Nous n'avons jamais vécu ensemble et je pense que Marc a toujours nourri un sentiment de jalousie envers moi, son père ayant forcément beaucoup plus participé à mon éducation qu'à la sienne. Nous n'avons d'ailleurs jamais été proches lui et moi. Il est aussi taiseux que je suis volubile, je suis aussi frontale qu'il est fuyant, j'ai résolu mes conflits père/fille depuis longtemps déjà, lui n'a jamais fait la paix avec son père, préférant s'exiler à l'autre bout du monde que de faire une psychanalyse.

 

Et puis il y a Nina, ma soeur. En anglais on dirait "stepsister", en français le mot n'existe pas. Mais pour moi, c'est simplement ma soeur, et la seule avec qui je nourris un lien fraternel.

 

Quand j'ai eu 18 ans, mes parents ont divorcé et mon père s'est mis en ménage avec une autre femme. Je devrais dire qu'il a rencontré une autre femme et qu'il a demandé le divorce mais bon, ça ne change pas grand chose.

Cette femme avait une petite fille de 10 ans ma cadette, Nina. J'avoue que je n'aimais pas tellement Nina lorsqu' elle était enfant, je la trouvais arrogante ( Déjà très intelligente pour son âge), effrontée et surtout elle retenait spécialement l'attention de mon père, ce qui avait le chic pour m'énerver. Je me retrouvais subitement dans la peau de mon frère, c'est à dire, délaissée. Mon père a toujours eu plus d'affinités avec les enfants qu'avec les adolescents, Nina n'a pas fait exception à la règle et c'est justement quand elle est devenue adolescente qu'elle a commencé à m'interesser.

D'ailleurs plus le temps passait et plus je m'attachais à elle. Ça ne s'est pas fait du jour au lendemain, mais je me souviens d'un moment, que je n'arrive pas à situer dans le temps, où on s'est avoué que lorsque nous parlions l'une de l'autre à nos interlocuteurs, nous disions "ma soeur". C'est étrange d'ailleurs, car parfois quand je revois des gens que je connaissais de l'enfance et que j'avais perdus de vue, ils s'étonnent : "T'avais une soeur, toi ?".

Ça me surprend toujours parce qu'aujourd'hui j'ai l'impression qu'elle a toujours été là...

 

Nina, c'est une fille formidable. De toute façon, si j'avais eu une soeur de sang, je n'aurais pas voulu qu'elle soit autrement.

J'aime qu'elle soit si différente de moi, qu'elle ne passe pas son temps à se regarder le nombril, qu'elle ne cherche pas à tout prix l'assentiment des autres pour se sentir bien dans sa peau.

J'aime que parfois malgré son apparence de fille forte, elle s'écroule en larmes parce que le vendeur de cigarettes lui a dit qu'elle était "méchante", qu'elle ait des mots durs mais toujours justes. Je sais que lorsque je vais lui demander un conseil elle ne va pas tourner autour du pot, et c'est pour cela que je viens frapper à sa porte. J'aime sentir que malgré la distance, malgré notre différence d'age elle est toujours disponible, jamais à côté de la plaque.

Elle aime la façon que j'ai de rebondir, de savoir m'ébrouer de commencer une nouvelle histoire d'amour vierge de la précédente. J'aime qu'elle méprise la séduction, les faux semblants et les jeux de l'amour, qu'elle ne se contente d'une relation par confort, qu'elle veuille tout maitriser mais qu'elle s'oublie parfois et qu'elle se trompe aussi.

 

Il m'arrive de lui en vouloir de vivre sa vie comme un électron libre, apparemment détachée de tous, enracinée nulle part, même si je sais que c'est ma nevrose qui parle, cette tenace peur de l'abandon.

Je fais partie de ces êtres qui ont une carapace aussi fragile que du cristal mais une structure interne en béton armé, il est facile de me blesser mais pas de m'anéantir,  je me relève toujours. D'autres ont une armure presque indestructible mais quand on trouve la faille, la blessure peut être fatale.

Nina n'est rien de tout ça, ou tout à la fois, forte et fragile, coeur de pierre ou d'artichaut, prévisible et inattendue, une rareté en somme.

J'ai le sentiment que je n'en ferai jamais le tour.

 

Et la voilà qui s'échappe encore...

Dans quelques jours, elle s'envole pour New-York cette fois, pour une durée indéterminée. J'ai beau l'avoir vue partir souvent, pour trois mois ou pour un an, jamais je ne m'y habitue.

 

Il y a comme un morceau de moi qui part avec elle chaque fois.

Publié dans Famille

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S
<br /> <br /> Ah la famille... un vrai poème. Je rejoins ingrid pour dire que les liens les plus forts sont pas forcément ceux de la famille. Par contre oui ta vie familiale ne semble pas être des plus simples<br /> !!<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> eh bien, quelle famille ! je connais peu la mienne (au sens  élargie). Beaucoup sont morts et aucun ne divorce, alors il reste pas grand monde !<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Je comprends cette admiration que tu peux avoir pour la vie d'électron libre de ta soeur. Parfois, j'aimerais avoir le courage de toute plaquer pour vivre selon ce que je veux. Mais j'en suis<br /> incapable, je crois.<br /> <br /> <br /> Sinon, tu as vraiment une vie de famille compliquée !<br /> <br /> <br /> <br />
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I
<br /> <br /> Je le dirais encore et toujours : les liens du sang ne sont pas forcément les plus beaux et les plus forts.<br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> comme quoi on traine tous des valises derrière nous....<br /> <br /> <br /> quand j'ai perdu mes parents, après un an de foyer, j'ai trouvé une famille d'accueil....<br /> <br /> <br /> quand je parle d'eux ce sont mes parents (adoptifs) et leurs enfants mes frères et soeurs....rarement j'explique le lien qui nous unit....(si ils sont issues de ma" vraie famille" ou de ma<br /> famille "de secours")<br /> <br /> <br /> Les liens sont toujours là bien des années après, je suis et je resterais "la petite soeur", la puce....même avec mes 40 ans lol<br /> <br /> <br /> Mes enfants sont considérés comme les neveux, les cousins...aucune distinction ...<br /> <br /> <br /> comme quoi c'est nous qui nous construisons notre famille, avec les pièces que l'on veut bien y mettre.....<br /> <br /> <br /> la distance n'y fais rien, les sentiments seront toujours là......<br /> <br /> <br /> oka<br /> <br /> <br /> <br />
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